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Uncensored - the rejected articles - for my overly brainy friends

Comment devenir un bon gourou – la force de l’exemple - un article non publié au ton exagérément cynique à destination de jeunes urbains confus et francophones

Chers lecteurs. En ces temps de crise, de destruction méthodique de la planète et de propagation de l’homosexualité  de la force aveugle de l’avidité et de la souffrance, force est de constater qu’il n’y a plus de repères et que tout ceci va mal finir. Pour ne rien arranger, le chômage drague de plus en plus de monde, si bien que l’on finira tous par se vendre sur Airbnb, Uber et autres entreprises de *l’économie collaborative*.

Heureusement pour vous, il y a une façon de se sortir de ces nasses de désespoir, voire de se reconvertir. Ça peut prendre du temps et être douloureux, mais, à terme, suivant le filin brûlant de la vérité, vous pouvez vous aussi devenir gourou - code ROME 13K47 – un être lucide qui ne ment pas.
Le mot guru dans son sens originel sanskrit, qui signifie maître, enseignant, quelqu’un qui fait autorité dans le domaine (spirituel). Une interprétation est devenue populaire par la suite, disant que le gourou est celui qui dissipe les ténèbres, mais c’est plus discuté. C’est récemment, en français, que cela pris cette connotation sectaire qui vous fait tout de suite penser à Sri Baba Didier, le pédophile narcissique qui a si bien manipulé la cousine de la tante de votre connaissance dans les années 80 parce qu’il était allé dans un restaurant indien et qu’il a pris du curry deux fois (« deux fois ! »).
Le 20e siècle a eu son lot d’enseignants venus d’Asie, plus ou moins célèbres, plus ou moins ancrés dans une tradition (bouddhisme – tibétain, zen, etc., hindouisme). Je pense notamment à Alan Watts, D.T. Suzuki pour le zen, Aldous Huxley, Joseph Campbell, Yogananda  et les nombreux yogis de l'hindouisme. Il est difficile aujourd’hui de faire un pas sans rencontrer le sourire bienveillant de Matthieu Ricard, les conseils avisés d’Oprah ou le rire limpide d’Eckhart Tolle, leurs rejetons naturels à l'ouest. Mais qui sont ces personnages ? Comment sont-ils devenus les phares marketo-clairvoyants dans un siècle – des siècles – assombris par le nationalisme, le fascisme, le climatechangedenalisme et toutes sortes d’ismes dans lesquels mon cerveau de femme perd si facilement pied ?

Pour vous venir en aide, voici une guideline du gourouisme – afin que vous aussi vous mettiez de l’ordre dans vos vies et deveniez ces phares ambulants dont le monde a besoin. 

1.    La prophétie prénatale

C’est l’ingrédient principal de nombreuses destinées spirituelles – Jésus, Bouddha, mais aussi Jiddu Krishnamurti. Dans tous ces cas, avant la naissance de l’enfant, une apparition, ou une prédiction signale que le futur nouveau-né sera un grand leader spirituel – parfois, soit un grand roi, soit un sage. Les parents acceptent ou refusent l’oracle, et l’enfant grandit dans une atmosphère teintée de prédestination.
Dans le cas de Krishnamurti, sa naissance dans la salle de rituels de la famille  de brahmanes appauvris confirme les rêves de sa mère, très pieuse. Cet enfant extraordinaire se retrouve donc avec l’extrême privilège de grandir dans une famille nombreuse, pauvre, et de perdre sa mère à 6 ans pour ensuite être moyennement bien traité à l’école comme à la maison. Tout ceci se termine heureusement lorsqu’il a 14 ans. Jiddu et son frère Nitya se retrouvent débauchés par d’autres agités qu’étaient les théosophes – qu’était Charles Webster Leadbeater. Convaincus que la société théosophique allait apporter au monde un nouveau messie, un enseignant du monde, ses dirigeants étaient à l’affut d’Alcyone (nom de code fort efficace puisqu’à une lettre près ça fait cyclone). Leadbeater, qui lisait les auras comme vous votre paquet de céréales, est impressionné par la pureté de celle de Jiddu. Il présente les deux jeunes garçons à Annie Besant, qui les adopte, les envoie en Angleterre pour faire leur éducation, et devient une seconde mère pour Jiddu. L’enfant se fait à son rôle avant de le rejeter publiquement, ce qui aura pour conséquence de lui faire effectivement passer sa vie à enseigner. Petit détail tragique, il a été si profondément infusé du gloubi-boulga théosophique que lorsque son frère – qui aurait voulu créer son entreprise mais dont la vie entière est sacrifiée à la cause de Jiddu - est atteint à 37 ans d’un cancer, il arrive à se convaincre que les Maitres vont l’épargner, ce qui s’avéra faux. Son frère adoré meurt, c’est la fin d’encore une illusion pour Jiddu qui définitivement se sera débarrassée du blabla superstitieux qui aura bercé son éducation théosophique.
Fun fact : Hubert van Hook, adolescent néerlandais, avait déjà été casté pour être le grand instructeur. Il s’est retrouvé avec un nouveau compagnon de chambre, puis suppléant du gourou du monde, puis relégué aux oubliettes de l’histoire (et avocat à Chicago).
Efficacité: 83%. 100% en fait, mais j’enlève un peu pour souligner que tout le monde a une chance malgré l’absence cruelle de piété et d’oracles précédant notre naissance.

2.    La réincarnation


L’avantage de la croyance en la réincarnation est qu’elle peut justifier toutes sortes de choses – bonnes comme mauvaises.. Elle a été efficace pour le Dalai Lama, ou Namkhai Norbu ou plein d’autres gens dont vous n’avez jamais entendu parler (Tenzin Ösel Hita ou Trinlay Tulkou, respectivement espagnols et franco-américain, embarqués très jeunes dans les monastères himalayens pour y être formés (dans le cas de Trinlay Tuklou, sa mère avait pressenti les liens de son fils avec le bouddha avant sa naissance)). Après tout, cela peut être plutôt intéressant si tout le monde est d’accord, bien que la vénération apportée à un enfant de 3 ans puisse sans doute être une expérience à double tranchant. 
Mais lorsqu’une telle croyance est bien ancrée dans la société, les filous manipulateurs peuvent s’engouffrer dans la brèche – sans passer par les rangs de l’Église catholique. Ainsi, Sathya Sai Baba, un homme délicieux qui a été le sujet d’un documentaire de la BBC, s’est autoproclamé réincarnation d’un autre Sai Baba de Shirdi à 14 ans – un peu comme vous lorsque vous avez cru adolescent que vous étiez la réincarnation de Kurt Cobain même s’il était mort deux ans avant (et je sais que vous y croyez encore, au fond). Sauf que, n’évoluant pas dans la même aire culturelle, vous n’avez pas eu la chance comme lui de convaincre de 10 à 30 millions de personnes de votre sainteté en mélangeant construction de centres caritatifs, d’hôpitaux, avec les miracles propres à votre condition (vomir des anges).
Car SSB était omniscient – forcément, c’était un avatar, une sorte de dieu vivant, et, nous le savons tous, dieu sait tout sauf si vous vous couvrez le visage. Parmi les étonnants succès de cette clairvoyance, Sai Baba avait prévu qu’il mourrait à 96 ans, ce qui se révéla tout à fait exact, à 12 ans près. En plus d’être omniscient, il était magique, et a construit sa réputation sur sa capacité à produire des miracles incroyables de ouf qui à rendre jaloux Criss Angel. Son plus connu est l’apparition d’un œuf d’or sorti directement de sa bouche dont la vision est si ridicule que j’ai du mal à terminer cette phrase. Et pourtant, tous ses miracles touchèrent un public avec un goût prononcé pour les objets en or, les choses chères et la spiritualité identifiée par des signes clairs et reconnaissables : vêtement orange, poussière sacrée, gestes d’humilité, capillarité hors norme.
N’oublions pas qu’il a opéré en Inde, le pays de la spiritualité mondiale, qui a légué au monde une foultitude d’enseignements célèbres (des Upanishad à la Bhaghavad Gita en passant par les Yogas Sutra de Patanjali) et qui est aussi le pays où ce qu’il y a de pire en la matière prospère, puisque là-bas les réflexions sur comment bien vivre sont partie intégrante de la vie de tout le monde (athées compris), avec le lot de bigoterie que cela peut générer (aussi). Beaucoup de personnes vivent volontairement des vies de renonciation, cela reste encore ancré et relativement valorisé dans le pays, et certaines chaînes de télévision proposent tous les matins les conseils de gourous plus ou moins hirsutes.
Mais donc, dans ce pays où prospère la quête spirituelle - notion tout à fait discutable, ne serait-ce que par les oppositions et le combat qu'elle suppose - que de nombreux occidentaux viennent visiter pour s'abreuver à la source, est aussi un pays où les conditions les plus extrêmes se côtoient. Il est alors compréhensible que différentes attitudes prolifèrent, dont un certain fatalisme de la destination, ou une admiration matérialiste pour ce qui brille et qui traduirait un copinage spécial avec les dieux, etc.
Dans certains endroits, le poids énorme de la religion, la bigoterie, combinés à l’aspiration récente d’une partie de la population à une forme de confort matériel explique sans doute le succès des gourous matérialistes et/ou nationalistes du type Baba Ramdev, qui glorifie le yoga et l’ayurveda, joyaux de l’Inde, tout en rejetant la médecine occidentale, l’homosexualité ou la Saint-Valentin, ces exports occidentaux (ce qui est clairement vrai pour l’un des trois, saurez-vous trouver lequel ?). Tous ne sont pas nationalistes, même si la tendance actuelle au repli hindou les favorise. Beaucoup pallient, par leurs actions, aux insuffisance de l'état qui ne construit pas les écoles, hôpitaux, infrastructures nécessaires. À bien des égards, la popularité de ces personnages n'est pas usurpée. Ils rendent effectivement des services importants, et en cela leur action peut être louée, enfin comme toujours, il faut observer le degré de conditionnalité. Et forcément, certains sont tentés d'abuser de la crédulité de leurs ouailles. Le sacrifice entier de leur personne représentant chez certain une forme de justification de leur état au-delà de la morale commune, très au-delà parfois.
Car qui dit vieux gourou manipulateur dit souvent suicide collectif ou scandale sexuel. Est-ce parce qu’il ne portait pas de lunettes que Sathya Sai Baba a privilégié l’abus sexuel ? Cette erreur de calcul qui l’a fait mourir il y a 4 ans nous prive d’une réponse fascinante. Quoiqu’il en soit, ce charmant vieil homme avait compris qu’en subjuguant des parents, il pouvait tranquillement jouir du corps pubère de leur fils, lequel n’osait rien dire. Alaya Rahm et ses parents ont témoigné pour la BBC, puis porté plainte, puis retiré la plainte, dans ce genre de mouvement de va et vient judiciaire si caractéristique des abus sexuels (no pun intended). D’autres personnes ont par la suite dénoncé des comportements similaires, mais aucune affaire n’a jusqu’ici abouti.

Efficacité: 13% en fonction de l’âge auquel la réincarnation est découverte et du contexte socio-culturel.

3.    L’absence de talent particulier / le discours neutre et d'apparence scientifique

Et oui, comme partout, le dur labeur peut aussi porter ses fruits. Combiné à un sens de l’entitlement et une vague origine indienne, c’est l’ingrédient marquant de l’enseignement non moins bouleversant de gourous tout aussi prolifiques que poilus : Sri Sri Ravi Shankar (gourou des classes moyennes),  Maharishi Mahesh Yogi (le gourou des Beatles – de David Lynch – de Russell Brand – de plein de gens), Osho, ou encore Deepak Chopra le glabre, l’homme dont les livres me bouleverseront toujours. Fun fact sur Sri Sri Ravi Shankar (aucun lien), son organisation sur les valeurs humaines, présente à Genève, ce qui fait grave bien pour l'influence du monde des Nations Unies du monde, est en fait, aussi, le local où votre honorée fait du yoga et se tortille dans tous les sens sur les conseils amusants d'un disquaire tatoué. Peu de traces de l'organisation cela dit entre les rognures d'ongles et les peaux mortes. Ce qui est logique compte tenu de la plus value du système Nations Unies en ce moment (est-ce bien possible?). 
Ce d’ailleurs ces derniers gourous qui s’avèrent les plus influents aux Etats-Unis, ayant pour but affiché de permettre un syncrétisme harmonieux entre les approches occidentales et védantiques (principalement), ce grâce notamment à une vulgarisation parfois vraiment très convaincante de la physique quantique que la méditation permettrait d’expérimenter en soi (sans oublier la pratique du yoga ou l’adoption des préceptes de la médecine ayurvédique).

Efficacité : 100% - 100% : Ne dépend que de votre investissement personnel.

4.    Le traumatisme / la maladie

Ce sont les cas de figure les plus courants : le fait de souffrir à la suite d’un événement traumatique, sans relâche, poussant les individus à chercher par eux-mêmes les réponses au-delà des cadres habituels de leur environnement, leur permet de dépasser leurs préjugés, et, si tout se passe bien, d’aller au-delà de l’illusion du soi séparé.
Eckhart Tolle, qui n’a pas été programmé par son prénom car c’est un faux (pas la peine d’appeler votre fils Jésus, ça ne suffit pas), était ainsi souffrant. Migraines, insomnies, tout lui soufflait que ça n’allait pas. Le monde ne pouvait pas se résumer à ça, la vie n’est pas faite pour cette chose à laquelle nous perdons notre temps (la recherche d'argent pour payer son assurance maladie). Il chercha, étudia, et un jour, tout ceci cessa subitement. Ulrich vécu des moments de paix intégrale, admirables, si forts et si clairs, qu’ils lui permirent enfin de tout comprendre. Depuis, il a écrit Le pouvoir du moment présent sur un bloc notes jaunes, vendu entre 3 et 5 millions d’exemplaires de ses livres, et influence tout le monde, d’Oprah à votre belle-mère. Sa particularité est d’être clair, sans attache à une tradition particulière.
Idem pour S.N. Goenka, le feu dirigeant de Dhamma.org, qui organise des stages de méditation intenses de 10 jours. Ce Ray Kroc de la méditation explique comment lui qui, affligé de migraines terribles qu’aucun médecin ne pouvait guérir, a trouvé dans la méditation Vipassana enseignée par son maître non seulement guérison mais accord profond entre son être et la loi de la nature, le dhama. D’ailleurs il a plutôt raison de ne pas sourciller. Son histoire comporte elle aussi sa prophétie, puisqu’après s’être calmé, purgé des troubles que son esprit de chef d’entreprise avait stockés, et développé sa vision profonde, comme de par hasard, il est tombé sur la prédiction selon laquelle, pile à son époque, un homme de Burma allait repopulariser la méditation Vipassana au-delà des frontières du pays, et la faire revenir sur sa terre natale, l'Inde, et sur le monde.
Notez que l'Inde a une histoire complexe que je ne maîtrise pas, mais que les méditants Vipassana parlent de l'heure de gloire de la méditation sous Ashoka, qu'ils aimeraient bien que ça revienne (c'est bien parti..). Il en faut finalement assez peu pour faire un gourou. Apparement l'origine indienne n'est même plus nécessaire. Je compte donc sur vous, merci d'être venus. 
Ce sens du "il faut absolument que je vous parle d'un truc, c'est pas possible, nous avons tout faux, comment faites-vous pour vivre normalement alors qu'ailleurs c'est la destruction/déroute/fin du monde" est d’ailleurs un phénomène assez courant que l’on peut rapprocher de ce que vit Prior Walter dans Angels in America. Ou à ce que vivent ceux qui rentrent de zones de combat. La détresse liée à l'expérience (pour lui la maladie et l'imminence de la mort) le pousse au-delà de l’expérience quotidienne un peu passive. Et, face à l’attentisme insouciant de son entourage, le voilà qui prend des allures de prophète. Ce mouvement de compensation d’une douleur inhabituellement intense est plutôt compréhensible, et je ne vous ferait pas l'affront de tout minimiser en parlant de réaction neuro-chimiques ainsi que les projets actuels sur le cerveau finissent par faire (réductionnisme neuroscientifique et cohérence des narrations individuelles semblent se chatouiller en ce moment). C'est un sujet fascinant sur lequel je vous écrirai volontiers un peu plus tard, cela concerne le PTSD, les NDE, et les sans abris d'une façon égale. Ce qu’il faut souligner ici, c’est l’importance de la subjectivité dans ces itinéraires qui mettent en exergue le gouffre qui peut séparer l'individu de la société dans laquelle il se trouve.

Potentiel de transformation : 105%

5.    La masculinité

105% parce que ça marche aussi pour des FEMMES !
On dirait, comme ça, que les gourous et leurs députés sont eux aussi les dignes représentants de cet ordre du monde qui rend inaudibles les femmes et les noirs et les handicapés et tous ceux que j’ai oubliés (pardon) sous l'arrogance mansplainante. Mais déjà, c’est oublier que les visages de l’amour sont multiples, et aussi sans doute que les femmes n’aiment pas beaucoup la publicitéPourtant, il serait faux de croire que seuls les hommes font l'expérience du divin. (Merci pour cette intervention, pensez-vous certainement).

Deux figures féminines issues de l’Inde ont marqué le gourouisme récent. Mâ Ananda Môyi d’abord, dont la profondeur mystique m’empêche tout commentaire désobligeant. Et Mata Amritanandamayi, dite Amma, la femme qui hugue tout le monde, à la tête d’un empire de bienfaisance en Inde. Ses déplacements entrainent ébullition et larmes, et elle occupe une place unique dans le panthéon des exports spirituels indiens puisqu’elle aurait déjà entouré de ses bras plus de 33 millions de personnes, ce qui lui permet d’être invitée aux sommets mondiaux des leaders spirituels (qui est la stagiaire sur cette photo?) dans le but d’éradiquer l’esclavage. Heureusement d’ailleurs, parce que tout le monde connaît l’efficacité des déclarations signées. Tiens-toi bien, esclavage !
(Je me moque je me moque mais je ne fais pas plus...)
Mais à part elle, le monde a peut-être du mal à apprendre d’une femme autant que d’un homme. Cela me paraît toujours étrange. Peut-être parce que les femmes seraient inaudibles, ou parce que leur capacité à procréer et leur biologie les rendrait substantiellement plus religieuses, ou d’autres raisons liées aux horaires de la crèche. Plus sérieusement, c’est un problème bien connu des études autour de la place des femmes, qui veut que l’on n’associe pas ce que dit une femme avec l’autorité. Ainsi, comme certaines artistes de la culture pop (Taytay, Björk ou Grimes) qui doivent se battre pour être prises aux sérieux ou juste entendues, les mentions de gourous femmes sont relativement rares (et faites par des hommes), alors qu’elles existent (lien hypertexte libre et en construction). 

Efficacité : faible (le calcul scientifique de probabilité auquel je me suis livré auparavant ne s’appliquant pas en l’espèce).

6.    Le refus d’être un gourou

Initié avec un excellent sens du timing par Jiddu Krishnamurti, ce mouvement plutôt habile permet de garantir l’intégrité du gourou. Je ne suis pas un gourou, pas plus que vous, cherchez en vous-même plutôt qu’en moi, que dans l’extérieur, dans n’importe quel objet d’admiration, d’autorité. Faites preuve d’esprit critique, d'ordre, plutôt que de vous laisser mener par le bout du nez par n’importe qui, voilà qui malheureusement scotche parfois efficacement les ouailles passives de la spiritualité – puisque cela ne dépend que d’elles.

Je précise que cet article est une tentative insidieuse d'endoctrinement pour la Confrérie d'Appréciation Mesurée mais Légèrement Excessive des Monty Python.  

Les dérivés du bouddhisme (& ses techniques de méditation) ont d’ailleurs un léger avantage concurrentiel, puisque ni l’âme, ni dieu n’existent, et que chaque être humain peut être un bouddha – rien n’est si mystique, c’est une question de travail personnel, de connaissance de soi. Ce qui d’ailleurs ne me paraît pas très différent de ce que racontait Socrate, ou Jésus avant d’être idolâtré (ahaha ce lien fait trop peur) (d’ailleurs c’est quoi cette manie d’assassiner quelqu’un pour le révérer ensuite ?). Donc tout le monde a accès à l’intelligence et la capacité critique pour se défaire des voiles de l’ignorance, dont on admettra qu'ils asservissent les êtres humains bien plus efficacement que n'importe quel salafisme grand-remplaçateur. Le gourou, alors, n'est que celui qui a compris ça. Compris que l'amour est partout et que la vie est révélation. Il pointe du doigt, et l'imbécile le lèche.

En vrai, moi qui ai longuement macéré dans cette question, je me suis quand même demandée pourquoi alors il y aurait des gourous, puisqu'ils ne feront pas le travail à la place des autres.. Je ne suis pas la seule, alors je fais une petite digression. 
Ces questions de quête spirituelle, au fond, sont ce par quoi prospèrent les gourous. Sans cette insatisfaction fondamentale, cette inquiétude qui ronge les individus génère le besoin de savoir, de "faire l'expérience", de comprendre des choses comme la nature du réel, pourquoi et qu'est-ce que c'est que d'être en vie, etc., pas de public, donc pas de gourou. À l'époque de Jiddu Krishnamurti vivait U.G. Krishnamurti, aucun lien. Le second venait d'une famille favorisée, et passa sa vie à étudier la philosophie, puis rencontrer les sommités de son époque, dont Jiddu. La relation entre les deux se passa relativement mal, puisque l'inconnu fini par dire au connu "mais en fait vous ne servez à rien", ce à quoi l'autre répondît en substance "mais vous n'avez rien compris". Une page obscure de l'Internet racontant l'histoire de U.G. précise que ce dernier finit par faire l'expérience de ce truc machin qui est indescriptible, "l'énergie pure", enfin vous voyez, ce qui ressemble dans la description à un tremblement de terre et une sorte de foudroiement. U.G. avait atteint son but mais perdu sa fortune sa famille - ce qui importe peu, relativement - et termina sa vie entre l'Inde et la Suisse à manger des yaourts au mocha dont il raffolait (eh oui les mystiques sont des humains comme les autres). Il ne se lança pas dans le game des gourous de l'époque (une autre page obscure raconte aussi comment Osho l'avait méga clashé) mais était d'accord de parler à ceux qui étaient curieux. Ce que son exemple montre en filigrane, c'est que ce type d'existence, passée à chercher à tout prix une réponse pas forcément à des questions de sens qu'à des questions d'intensité - de recherche de l'extase d'être en vie - génère ses propres conflits intérieurs (régime alimentaire, pratiques et disciplines de toute sorte, sentiment d'isolement par la vertu, etc.) qui concrètement participe aussi à l'entretien de la division dans l'individu. Ergo, parce que tout ce paragraphe est vraiment pompeux et non fondé scientifiquement, on cherche à l'extérieur de soi ce que l'on sait déjà au fond. Et point derrière le raisonnement dans le temps qui est le début du conflit - l'herbe plus verte, la mise en branle du système de désir-aversion vers un but (recherché ou évité), la constitution du soi dans le temps qui nourrit l'isolement et le dédain pour ce qui est.  

Ce sont deux approches qui sont en fait constamment en contradiction dans l'idée même de leader, qu'il soit spirituel ou quelconque: l’une est celle du « chemin », de l’évolution, au cours d’une vie, vers une meilleure compréhension des choses voire un poke avec l’innommable si tout va bien (détourné par certaines religions en un poke après la mort mais qu’est-ce que la mort sinon la transformation de la vie en objets de première nécessité ?). Ce truc simili smug atteint hélas bien des gens engagés sur "la voie". Cette version justifie les exhibitions de myccoses et autres stages de connaissance de soi en Ariège pour se défaire du mucus contemporain. Le problème, bien évidemment, c'est la prolifération des parasites. 
L’autre est celle du refus du chemin, qui implique le délaiement dans le temps, et est ce par quoi l’autorité et l’exploitation prospèrent, puisqu’il y a toujours quelqu’un ou un principe auquel on souhaite se conformer, quelqu'un qui se met en travers et dit "faites comme ça", donc une autorité, donc un conflit dans l’individu. Le truc de dire "seulement quand j'aurai finit mon initiation de 18 ans de yoga tantrique pourrais-je manger un ragoût de mouches divines" est problèmatique. Comprenons-nous, bien sûr, le yoga c'est super mais étant donné que des magasins de vêtements de yoga ouvrent dans les centres urbains je pensais que quelqu'un devait prendre son courage à deux mains et dire "il suffit". Ce quelqu'un, c'est lui. La deuxième approche dit ce que vous savez déjà: que les choses et les gens sont circonstanciels et relatifs, que les histoires que l'on se raconte ne sauraient se substituer à la subtilité équilibrée et paradoxale du monde, et que bien vivre n'est probablement qu'une question d'équilibre (et encore, que sur ces sujets, on pourrait aussi parler d'inconclusivité), que la pensée et la raison ne sont pas en opposition avec "la spiritualité", qui n'est pas non plus opposée au "matérialisme", et que les toges de la vertu dont l'on se revêt sont encore trop souvent en cote de maille plutôt qu'en ouate. 

Efficacité : 73% (a beaucoup perdu depuis qu’une partie de la population mondiale cesse de croire au Messie - quoique).

7.    Un message d’amour et de transformation individuelle par l'expérience de ce qui ne peut être nommé

Parce qu’en fait, quel est le point commun de tous ces gourous, quels qu’ils soient ? Eh bien l’insistance sur la joie ataraxique et la compréhension de la non-dualité – et sur la possibilité pour chacun de faire trempette dans ses flots non discriminatoires de la vie, ce en se débarrassant des illusions et du conditionnement dont on a hérité qui font d'un mental fonctionnant par division successive et accumulation le siège unique de l'appréhension du monde – rigidifiant et amenuisant le monde (je coupe ici les développements de plusieurs millénaires sur ces questions) - pour vivre une vie fluide et libre. 
En fait, c'est un peu comme si vous considériez en écoutant de la musique qu'il n'y aurait que le son qui existe (ce serait le positionnement « par défaut » de notre conditionnement qui fait de l'activité mentale le siège de l'existence). Depuis ce point de vue naissent l'effroi du silence éternel des espaces infinis de Pascal, l'indifférence de l'univers dans lequel l'homme a émergé par hasard de Monod, etc. Prolifèrent aussi les narrations qui suivent logiquement sur le mérite et la responsabilité, l'indifférence à la souffrance d'autrui, tous ces procédés cognitifs qui nous habitent aussi et que nous nourrissons plus ou moins. La dimension en plus, le supplément d'âme, diraient les speakerines du mysticime, ou le deuxième plan de Jésus et des bouddhistes, c'est ce qui rend le son possible, les insterstices du silence. Cela se voit très bien dans les œuvres classiques, je dis ça avec mes vieux souvenirs de cours de piano où l'on me rappelait que Mozart ou Bach n'étaient que des architectes du silence (mais John Cage aussi kikoulol, et puis les gens contemporains de la techno). 
C'est la question de la profondeur, du relief, qui permet le contraste et donc la forme. C'est le monde de l’interbeing de Thich Nhat Han, les 95%de matière que l'on ne connaît pas (l'exotique et l'énergie noire), ce qui rend le contraste possible, l’univers dans un grain de sable de Blake. Et l'expérience mystique, qui n'a à mon avis rien de mystique, est assimilable à la transe de celui qui danse des heures et chez lequel il n'y a plus rien qui s'oppose entre ce qui est et ce qui perçoit, entre émission et mouvement. Ou aux orgasmes fantastiques au bord de l'océan. Ou aux trips sous LSD de bien des personnes. C'est au contraire un état qui me paraît être profondément naturel, facile, socialement difficile en fonction du milieu dans lequel on trempe, et spirituel ou mystique purement par comparaison, rare et discret comme toutes les choses rares et discrètes.
Ce renversement de la polarité (c'est le vide qui rend le plein possible et non pas le plein qui domine) change tout sans rien changer et permet à l'individu de se faire à son tour, depuis sa localisation spécifique, baudruche transparente de l'espace interstitiel, le convertit, littéralement. Sujet aussi abordé par Marguerite Porete d'ailleurs dans son dialogue incongru entre âme et raison (j'en reparlerai ailleurs). Marguerite Porete était une béguine qui a été une des dernières à brûler sur son bûcher pendant la période des chasses aux sorcières, à l'époque où l'église sentait le roussi du monde qui change - enfin pas encore en 1310 mais je voulais juste filer la métaphore du bûcher pardon pardon. Cela permet de voir que tout est parfait - n'est pas à refaire - parce que ce qui est ne peut pas être autrement, sauf au moment de l'action, et que notre liberté réside dans notre choix de réellement agir sur le monde en étant à chaque instant conscient des infinies versions que nous privilégions - de ce que nous créons. Et que d'une certaine manière, tout est bon - et en tout cas bien loin des rigidités d'une morale qui se voudrait détachée de l'amour (Porete Porete encore).

Bon, beaucoup de grands mots un peu vagues, mais je crois que cela rejoint beaucoup de discours post-modernes et leur insistance (hélas légèrement décorporée, voire totalement fumeuse) sur la déconstruction de ce qui se présente comme des évidences, comme en témoigne cette artiste du lobby gay lorsqu’elle insiste sur tout ce qu’il faut désapprendre pour aimer. Sous les gourous excessifs du 20e siècle a poussé une génération hippie syncrétistes dont les enfants sont les chamanes et neuroscientifiques d'aujourd'hui - et font des trucs comme des applications de méditation (j'ai des actions dedans, allez voir). Dans cette génération, une chose semble claire, comme le dit assez bien Thich Nhat Hanh, les gourous de demain seront une communauté - en fait, une multiplicité de personnes. En fait, personne de spécifique. Faire porter à un individu la responsabilité de changements massifs est bien évidemment le piège total - ça ne m'étonne pas tant que ça que les types qui arrivent à en convaincre d'autres que ça marche deviennent prompts à l'excès. Rien ne se fera sans une implication réelle du plus de monde possible, à l'ère de l'anthropocène  Il y en a pour lesquels c'est clair, et d'autres qui sont encore un peu loin.

Sur ce, je me suis fatiguée toute seule et j'ai oublié de quoi je voulais vraiment parler,

Ah oui, d'amour... <3


Efficacité : xn% - l’amour n’est qu’abondance et multiplication et est ce par quoi nous passons nécessairement. Ne me regardez pas comme ça, c’est vrai, même lui le dit.

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