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Uncensored - the rejected articles - 1

Bonjour à tous.

Comment allez-vous ?

Voici un de mes nombreux articles jamais publiés. Il est en lien hypertexte car le post d'introduction a pris toute la place.

Cet article va prendre beaucoup trop de temps à lire à tous ceux qui n'ont pas 20 à 35 ans, qui ne sont pas vaguement cyniques, qui n'ont pas d'intérêt à lire des articles pseudo complets sur des phénomènes complexes qui ne sont en fait que des prétextes pour des liens hypertexte et des blagues vraiment nulles.

Maman, ne lis pas cet article..

Les autres, j'avais écrit cette chose pour Brain Magazine et puis ça ne s'est pas fait pour cause de trop grande spécificité. D'où le ton hyperreferencé kikoulol, etc..

Pour faire court, en guise d'introduction, j'avais envie de faire un petit panorama de ce qui peut conduire à occuper la fonction de gourou, un terme d'autant plus connoté que l'on ignore qu'à l'origine cela désigne un maître, un enseignant. Je ne m'étends pas trop sur ce que c'est, heureusement sinon on y sera encore dans quelques années. C'est un sujet qui peut paraître marginal dans les préoccupations contemporaines, mais étant donné le succès des rayons self help et/ou de Vernon Subutex de Virginie Despentes (sans compter la fameuse crise spirituelle qui agite l'Europe, même Edgar Morin le dit), je crois que le sujet n'est pas si lointain. 

Le gourou fait autorité par sa compréhension des choses de la vie, et joue un rôle important dans des sociétés comme l'indienne, où les questions relatives à la bonne façon de vivre sont encore sujettes à discussion publique. Cela peut dépasser les simples considérations éthiques, ou ressembler à une répétition ad nauseam d'idées reçues, en fonction bien sur de votre interlocuteur.

Les sociétés occidentales, qui ont assez justement voulu se défaire de l'omniprésence de l'institution cléricale n'ont pour autant pas pu se défaire de l'existence de certaines questions qui sont acceptables dans une sphère dite d'ordre éthique. Le glissement peut faire l'occasion de nombreux développements que je vous épargne. La discussion se tourne aujourd'hui surtout vers les penseurs de la science, au grand dam de certains religieux officiels (j'ai entendu l'autre jour un prêtre qui disait avoir du mal à défendre la société occidentale face au fanatisme islamiste car, entre autre, mariage gay, jeux olympiques, ingénierie de la vie et de la mort). Sans rentrer dans les débats et distinctions concernant le phénomène religieux, ce qui me semble intéressant dans la popularité des gourous modernes, qu'ils soient des yogis barbus ou des psychiatres bienveillants, c'est que justement, leur popularité vient peut être aussi d'un repli, ou retour vers une forme de spiritualité que l'on voudrait a-religieuse (hors des systèmes religieux), ou, dans le pire des cas, un peu bouddhiste. La spiritualité light de notre époque compassionnelle est l'une des faces du phénomène. Bref, ce sujet me paraissait intéressant parce qu'il concerne quelques personnes aujourd'hui, perdues dans le supermarché des choses divines, supermarché borné par la guerre, dont les allées regorgent d'un syncrétisme mollasson, et qui a mon avis cache une porte secrète vers l'air frais, l'espace, l'appel du pied des grands espaces dont nul n'a la clef. À force de parler de ces sujets, je me rends compte de deux choses:


  • Il y a quand même une soif de sens ou de cohérence même chez des gens jeunes, plutôt rétifs à l'idée d'une religion organisée, ce qui les attire plus facilement vers les gourous médiatiques, les rois du self help ou l'attitude rebelle qui les fait parcourir le monde à vélo plutôt que d'aller moisir dans les allées déjà connues de La Défense (attitude que l'on pourrait résumer ainsi, aussi), privilégier l'inconnu, le vide, aux contours rassurants (et sécurisés)  de ce qui se fait. Ce n'est pas uniquement une question de sociologie, de rapport de pouvoir, qu'un plongement existentiel qui se suffit en lui-même (pour vous inonder un peu plus de références, c'est l'inversion de cette substitution des moyens aux fins qui caractérise la dynamique du pouvoir, ainsi que l'a montré Simone Weil (Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale). A cet égard, Vernon Subutex est vraiment un bon roman - Vernon est vu et pris dans le prisme des narrations intérieures de ses protagonistes, et lorsqu'il devient le shaman de l'Europe, il n'est plus narré à la première personne mais devient un être transparent et vide (un gourou qui est reflet, dépossédé, diraient des bouddhistes, dénué d'ego, de cette voix intérieure qui prolifère et ne peut pas être vue comme le roi nu qu'elle est, qui ne peut pas se taire). Et le mutisme du débat public, la passivité et la peur de se montrer non pas religieux mais entier (lié), conjugué à l'aspect foncièrement antireligieux et antispirituel de certains penseurs médiatiques contribue à rendre inaudibles, publiquement, des questions que l'on se pose tous à un moment ou un autre de notre vie. Ce sont ces questions qui font le gagne-pain des gourous. Contribue aussi à mon avis à assécher les possibilités de ce qui peut être dit, non pas en quantité mais en qualité, en profondeur. À l'inverse, et à cause de ce sentiment d'inaudibilité, la parole des religieux traditionnels qui appartiennent à une religion se lâche, pas toujours de la meilleure manière. Cela se transforme en question des valeurs et devient une question de droite extrême, aux États Unis d'abord, en France aussi, au lieu d'être l'occasion de réunir.


  • Car étonnamment, la question de l'engagement, ou de l'aspect "politique" de ces questionnements reste souvent en suspens. Dans les milieux labellisés 'spirituels' (je ne sais pas ce que c'est), non pas que ce soit un gros mot, j'ai l'impression que l'idée est de laisser cette question en arrière-plan, partant du principe que chacun doit parvenir par lui-même, et certainement pas par contrainte ou influence d'un programme ou d'un dogme, à mettre sa vie en accord avec les formules magnifiques et plates, si désinvesties de sens, de la spiritualité moderne. Le risque étant, existant, de consommer les séances de yoga, les livres sur le sens, les conférences, pour un effet assez réduit, tout en continuant à brasser du vent dans son existence quotidienne, à bitcher sur la copine grosse avec les amies yogipocrites, ou autre drame des cerveaux modernes.. Étant moi-même l'incarnation régulière de ces travers, j'en parlerai sans doute mieux dans un autre post.
  • Dernier point, plus personnel, j'ai bien des tendances à pérorer dans mon coin (la preuve), ceux qui me connaissent savent. Grâce à ma relative inactivité récente, à ce qui peut se vivre, grâce aussi aux nombreuses personnes qui ont bien voulu discuter avec moi, j'ai raffiné, me semble-t-il, la compréhension de phénomènes plus fins et plus subtils qui opèrent en nous, à mon avis similairement chez tout le monde. Et, forcément, j'ai aussi lu mes kilomètres de livres, les classiques, comme les obscurs, ou les grand public. Et à chaque fois, passée la période de confrontation - assimilation, j'ai de nouveau du me rendre compte qu'en fait de sagesse, tout est déjà là. 

Cela m'a frappé l'autre jour. J'étais allée un samedi déjeuner avec un moine bouddhiste tibétain connu pour avoir guéri d'une gangrène par la méditation, pratiquée intensivement pendant 3 ans dans une piaule à Brooklyn. Bien entendu on ne s'est pas checkes la paume de la main en "vazy mon gars on va manger du tofu demain?", comme je l'aurais secrètement voulu, mais j'ai rejoint un groupe de gens qui venaient déjeuner avec lui et sa traductrice au restaurant du monastère bouddhiste tibétain qui surplombe Genève. C'est un très bel endroit d'ailleurs, ils ont une bibliothèque à faire baver n'importe quelle personne qui aime le silence, le recueillement et les fenêtres donnant sur la brume montagneuse. Je poursuivais un but secret qui n'avait pas beaucoup à voir avec la choucroute, d'ailleurs, et karma karma je fus punie de ma duplicité par la suite, ce qui est rassurant.

Bref, me voilà donc assemblée avec des gens tout doux, comme souvent chez les méditants valeureux. En face de moi est assise une journaliste qui dans sa jeunesse a fréquenté Chogyam Trungpa et sa clique (dont je ne parle pas dans l'article, mais en gros voici le lien Wikipedia, et voici ce que j'ai retenu. CT était un de ces nombreux exports nord indiens en Occident dans les années 70, et son personnage était plus sulfureux que ce qu'un Dalai Lama ou un Mathieu Ricard laissent aujourd'hui transparaître du bouddhisme grand véhicule. Il fumait, buvait, avait une femme, bref, les passions humaines classiques n'étaient pas chez lui sujettes à cette suspicion, ou ce détachement qui fait frémir certains à l'évocation de l'ataraxie monastique. Cela me l'a rendu sympathique, comme Alan Watts (porté sur la bouteille) me paraît aussi sympathique, puisque l'on peut être un soiffard et ne pas dire que des bêtises (ce n'est pas mon cas puisque vous savez que je suis maintenant Mme Verveine)). Une grande conversation, très agréable, se lance avec cette dame qui me fait beaucoup rire. Bref, c'est très chouette. 

A côté, la table du moine. La conversation est plus longue, ralentie par les difficultés linguistiques et la bienséance polie qui entoure le personnage. Comme d'habitude, je me moque secrètement de la déférence qui toujours agit lorsque quelqu'un porte les signes extérieurs de la spiritualité. Surtout, en l'espèce, comme ce monsieur avait guéri ni plus ni moins que de la mort assurée, les professionnels de la santé présents ne pouvaient masquer leur incrédulité, partagée avec un peu d'admiration mystérieuse et de suspicion. En plus de cela, ce moine en question répétait en anglais des choses apparement  banales ou sans relief sur la méditation, ce qui n'avait pas l'air de satisfaire ses interlocuteurs scientifiques. L'un égrenait les poncifs du bouddhisme sans rendre cela très personnel, les autres attendaient poliment que quelqu'un leur prouve que leur positionnement de spectateur était une respectable mascarade.

Et à côté d'eux, à à peine deux brochettes de légumes de distance, Mme et moi rigolions amplement des postures spirituelles, de ce milieu qui facilement reproduit les mêmes travers que n'importe quel milieu puisqu'il est composé de gens, qui jouent aussi leur rôle, adaptant leur comportement aux circonstances (ça se mange comment?, demande mon voisin à ma voisine en désignant un beignet de légume aux proportions terrifiantes). Elle me raconte des anecdotes plutôt drôles sur cette époque, on met les doigts dans le fameux beignet, je mange trop et parle trop fort, bref, c'est une réussite. 
A la fin du repas, le moine donne, comme le veut apparement la tradition, un ruban rouge à chacun. Ceux qui l'ont invité lui donnent une offrande aussi, je me rends compte que je n'ai plus une thune car le repas végétarien coûte cher (en raison de l'absence d'eau courante dans le monastère apprendrai-je plus tard), et je regarde tout cela avec une absence de dévotion qui devrait se transformer en orage immédiat sur ma tronche orgueilleuse. Mais le ruban est très joli, d'un beau rouge. Je me souviens que ce genre de filins se vendent à la sauvette en Inde, par kilos. C'est l'intention qui fait ici la différence.

Le moine va ensuite visiter le monastère avec le moine local, enchanté de la visite d'un maître dans sa demeure. Sur son invitation polie (au grand moine), je me tape l'incruste dans la visite, ce qui, je le sens, tend l'autre moine (le moine local), qui aurait peut être voulu passer un peu de temps seul avec le maître. Et puis tout le monde s'en va, et je me demande bien ce que tout le monde ressort de cette journée. Moi je sais. 35euros pour un repas ET un ruban, un semi échec stratégique dans ma stratégie initiale, la découverte d'un endroit idéal pour être au calme, et la confirmation que franchement, y a des trucs que je ne peux pas supporter, a commencer par cette institutionnalisation du spirituel (qui n'est pas une sphère différente du temporel, merci de revenir en arrière), cette capture étrange de l'eau dans des arcanes symboliques qui me soûlent et la font croupir. Bref, l'énième confirmation qu'en termes de gourou, il y a déjà tout ce qu'il faut en chacun. Et que le pire du pire du pire qui provoque mon ire, c'est cette déférence, ce refus d'aller voir par soi-même qui laisse des gens hébétés et crédules (en l'occurrence je n'étais pas chez Raël, mais c'est cette même obéissance et ce confort lointain de l'observateur qui veut entendre des histoires sans les vérifier qui frappe indifféremment, que l'on soit Jim Jones ou Adolf Eichmann (je vous préviens j'adore parler de lui, le point Goodwin de la réflexion éthique)).

Et je repense à cette sentence de quelqu'un quelques mois plus tôt: "les croyances tiennent tant qu'elles sont nécessaires". Et ce qui m'avait frappé par sa justesse quelques mois plus tôt me fait réfléchir et me met face à cette personne tolérante qui habite elle aussi pas loin. Bien sûr, bien sûr que tout le monde joue ce jeu en y croyant et sans y croire, mais je me demande à quoi bon se farcir tout ce qui est de trop?

En temps normal, tout ceci me fait plutôt rire. Je ne crois absolument pas que quiconque soit plus éveillé qu'un autre, ontologiquement. Que des gens soient moins amorphes, certes, mais il n'y a absolument rien à mon avis à dire sur le sujet de l'éveil, de l'expérience hors de ce qui peut être dit, dite mystique, mais en fait pas vraiment, qui puisse faire autorité. Je ne crois pas à la sainteté de quelqu'un, je peux admirer la cohérence, la profondeur, la justesse de quelqu'un, sa capacité à aller seul vérifier, questionner ce qui ne se voit plus, mais cela reste un être humain, c'est pour cela que quand il a une tendance toute britannique à l'alcoolisme, cela me plait. Ceux qui, par un effort continu de critique et de réflexion parviennent à embrasser la complexité et le paradoxe renforcent mon appréciation (de la même manière que cette phrase mal construite diminue mon appréciation de ce post, créant ainsi le fameux contraste), qu'ils soient poilus ou trans ou suicidés. Dans le milieu dit de la spiritualité (encore une fois je ne sais pas ce que c'est), c'est aussi palpable qu'ailleurs. Le dogme, l'autorité, et surtout la posture qui se veut déférente mais qui peut vite consister à tout observer de l'extérieur sans rien aller vivre par soi-même me donnent de l'urticaire. Plus exactement un orgelet à l'œil gauche mais cela n'a rien à voir. Donc même si cet article est assez bête et méchant, j'espère qu'il donnera envie de ne suivre personne.

Sauf moi, évidemment.

Allez, bonne lecture (bon courage c'est très long).

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