Accéder au contenu principal

Back from Ouishare

Le Ouishare Fest, c’est un festival dédié à l’économie collaborative qui se tient chaque année à Paris au Cabaret Sauvage.

J'y étais allée pour serrer la main de Charles Eisenstein, qui écrit des choses avec lesquelles je suis presque toujours d'accord et dont je vous parle tout le temps. Et mon mauvais esprit s'est immédiatement enflammé, trouvant mille et un détails qui prouvaient que vraiment, tout ceci n'était que le nouveau vernis que le business de demain revêtira, sans jamais s'attaquer aux racines du mal-être actuel. Comment, encore des conférences ou 4 types (blancs) font défiler des statistiques en débattant poliment devant un auditoire silencieux et passif? Comment, l'entrée à 120€ la journée? Mais alors, qui est l'audience? Comment, un évènement corporate qui se planque derrière des tartines en libre service et des toilettes sèches pas sèches pour faire moderne? Et quoi, des cours de méditation au beau milieu pour splendidement se sentir lumineux? Mon sang ne faisait que deux cent tours, et j'étais toute prête à déverser mon venin cynique sur l'évènement.


(Le barbu du milieu est ce penseur yogi vegan décroissant nommé Charles Eisenstein)

J'avais tout compris. Cet optimisme mollasson et auto-reférencé refait surface : tout est possible, à nous d’inventer des alternatives, le design des systèmes blablabla, la techno-democratie kikoulol. Voilà, me disais-je, nous sommes dans la phase de réaction à la crise, dans ce renouveau hippie qui, comme l’a si bien montré Adam Curtis dans The Century of the Self, partant de bonnes intentions, a contribué un peu plus à l’éclatement des structures et a été réutilisé pour ajouter à la confusion initiale cette dimension floue et délétère du soi, créant directement la société obsédée d'elle-même dont je suis la si fidèle représentatrice, dit-elle, twittant. Beaucoup de bruit pour rien, me dis-je, et tous ici partagent ce sentiment réconfortant d'être du bon côté de l'histoire, sans risque excessif, grâce au #Ouishare et autres #hashtags #moiaussijeveuxunmondemeilleur #larévolutionislove. Que serait cet évènement sans la garantie d'y être vu, me demande-je, défiant toute mélodie interne pour respecter la grammaire?

Et forcément ce mauvais esprit me fait rencontrer d’autres personnes aussi perplexes, et on se conforte en daubant sur l’événement, sa superficialité, la vanité de certains membres, cette forme d'insensibilité institutionnalisée qui fait que l'on se prend si au sérieux (l'ironie de ma propre situation m'échappait totalement). Pour information, parmi les râleurs, l'un était israélien participant à des ateliers de communication non-violente entre israéliens et palestiniens, ce qui forçait un peu plus le respect. D'ailleurs soit dit en passant la communication violente, depuis quand est-ce que c'est quelque chose?

Et puis je participe à un atelier : after capitalism. J'y vais un peu méfiante, parce que ce titre, grands dieux. Le même Charles Eisenstein en fait partie, avec un poète, Joe Ross, et un penseur catégorisé capitaliste alternatif nommé Brett Scott. Le programme me fait un peu rire et un peu peur. Je ne crois pas vraiment en ce truc appelé capitalisme, donc encore moins en l'idée qu'il y aurait un après. Tout me semble provenir de l'individu. Le capitalisme n’est que cette abstraction tirée d’une observation plus ou moins exhaustive des comportements humains, lesquels, en retour, sont influencés si ce n’est déterminé par les conditions, le contexte dans lequel ils peuvent s’exprimer.

Et plutôt que le blabla macro économique partisan de 4 types (blancs) devant un parterre par terre, sur l'impulsion d'Étienne Hayem et Charles Eisenstein, voilà que tout le monde accepte de livrer à son voisin son histoire, ce qui fait qu’il est ici, et qu’il croit, sent, ou sait, qu’une autre forme de vie économique est possible, une qui partirait du sentiment d'abondance plus que de la pénurie (ce qui est d'autant plus possible dans les sociétés comme les nôtres), de l'envie d'être utile plus que du repli sur soi. Et quelques uns viennent partager leur histoire. Ça devient incroyable.

Un homme raconte qu’il était réalisateur de films à NYC, et un jour il se blesse le genou. L’autre aussi lui fait mal. Rapidement, il se retrouve en chaise roulante. Ne pouvant trouver du travail, et arrivant à la fin de ses économies, le voilà qui décide de laisser tomber, et il va sur Craigslist et propose ses services gratuitement, à condition que les personnes viennent chez lui. Au départ, les gens se méfient. Ils le paient en nourriture, en choses et d’autres, et avec de l’argent. Lui leur dit qu’ils peuvent envoyer leurs amis mais seulement ceux qui sont dignes de confiance, qui sont intègres, qui comprendront cette démarche. Et en un an, il a gagné plus qu’il n’avait jamais gagné. Bien entendu, il a retrouvé l’usage de ses jambes. Une autre histoire de guérison vient d’une femme anciennement aveugle. Etc.

En 20 minutes, l’atmosphère de la salle a changé. Les cœurs battent. Les êtres humains sont là. Présents. Connectés les uns aux autres. On le sent, depuis cette qualité de présence, tout est réellement possible. La tente est remplie d'une chaleur, d'une intensité mouvante qui crée un espace où tomber le masque est autorisé.

Voilà qui m’enchante. Je ne crois en effet pas du tout qu’il y ait une alternative au capitalisme, un autre système, quelque chose qui utilise les mêmes outils de contrainte, de force, en changeant juste les termes. Au contraire, il me semble que l’amélioration véritable de nos existences passe par l’acceptation de nos limites, la reconnaissance réelle de notre inscription dans la communauté des hommes. Demander de l’aide. Accepter de ne pas savoir, de ne pas être indépendant. Ressentir, réellement, cette connexion à l’autre, pas juste en théorie. Se sentir nu, et en vie. Cela donne une saveur, une résonnance singulière à tout ce que nous faisons.

Et après cela, je retrouve les autres grognons du festival, et nous parlons enfin réellement. De nos aspirations, de notre propre vulnérabilité. De ce que nous trouvons insuffisant, et cette fois, de ce que nous pourrions faire, apporter, pour améliorer les choses. La conversation est moins électrique, plus calme, la densité de l’instant nous entoure. Nous sentons beaucoup plus comme chacun est nécessaire – et comme il est possible, depuis un environnement ouvert et patient, de parvenir à quelque chose de vraiment constructif et libre. Que c'est la qualité de l'impulsion, de la volition, la sincérité de ce qui émane de nous à chaque moment qui compte réellement, quoi que ce soit que l'on fasse.

Si même moi je m'en rends compte...


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Autopromo du mois de janvier

Décidément, ça ne s'arrête pas. Voilà ma toute nouvelle pub, avec peu de moyens mais on s'est bien amusées. J'espère qu'elle vous fera rire. Le lien est là: http://vimeo.com/84631032 Bonne journée à toutes zet à tous!

Deep is the message

Whatever you do, do it with love!

Uncensored - the rejected articles - for my overly brainy friends

Comment devenir un bon gourou – la force de l’exemple - un article non publié au ton exagérément cynique à destination de jeunes urbains confus et francophones Chers lecteurs. En ces temps de crise, de destruction méthodique de la planète et de propagation de l’homosexualité  de la force aveugle de l’avidité et de la souffrance, force est de constater qu’il n’y a plus de repères et que tout ceci va mal finir. Pour ne rien arranger, le chômage drague de plus en plus de monde, si bien que l’on finira tous par se vendre sur Airbnb, Uber et autres entreprises de *l’économie collaborative*. Heureusement pour vous, il y a une façon de se sortir de ces nasses de désespoir, voire de se reconvertir. Ça peut prendre du temps et être douloureux, mais, à terme, suivant le filin brûlant de la vérité, vous pouvez vous aussi devenir gourou - code ROME 13K47 – un être lucide qui ne ment pas . Le mot guru dans son sens originel sanskrit, qui signifie maître, enseignant, quelqu’un qui fait a